En pleine rentrée, la pandémie semble en passe d’être maîtrisée dans une majorité des territoires français. Selon Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances, l’activité aurait repris à 99 % comparée à son niveau pré-covid. Cette bonne nouvelle s’accompagne d’une autre évolution moins heureuse pour les auto-entrepreneurs : la fin du « quoi qu’il en coûte ». Alors, qu’en est-il exactement ? Les aides de l’État ont-elles permis aux auto-entrepreneurs de surmonter la crise ? Que va-t-il se passer après septembre ? On vous dit tout.
Le « quoi qu’il en coûte » : de quoi parle-t-on ?
La mise en place d’un arsenal pour sauver l’économie française
Retour en mars 2020 : la COVID frappe de plein fouet la France et un confinement strict est décrété. C’est une mise à l’arrêt totale pour de nombreux secteurs d’activités (spectacles, culture, évènementiel, tourisme, activités à domicile…) et un ralentissement de beaucoup d’autres. Mais c’est aussi le début du fameux « quoi qu’il en coûte » selon l’expression d’Emmanuel Macron. Lors de son allocution télévisée du 12 mars 2020, il annonce : « tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et protéger nos entreprises, quoi qu’il en coûte ».
Derrière cette citation se cache un arsenal d’aides publiques sous forme de subventions et de prêts visant à soutenir l’économie. On peut citer : l’emblématique fonds de solidarité, le chômage partiel, les prêts garantis par l’état (PGE), les exonérations ou diminutions de cotisations sociales, l’aide aux stocks, le chèque numérique, l’aide à la reprise d’un fonds de commerce ou encore l’aide coûts fixes. Cette liste n'est pas exhaustive et les collectivités territoriales comme certaines organisations professionnelles ont également sorti l’artillerie lourde pour soutenir l’activité de leurs territoires ou de leurs secteurs d’activités.
Le montant total estimé par Bercy pour l’ensemble de ces aides s’élève aujourd’hui à 240 milliards d’euros. Cette somme se décompose en subventions (un tiers du montant total) et dispositifs de prêts (deux tiers restants qu’il faudra donc rembourser).
Un fer de lance : le fonds de solidarité
Du point de vue des auto-entrepreneurs, le fer de lance du dispositif reste le fonds de solidarité. En effet, il n’était accessible les premiers mois qu’aux entreprises de moins de 50 salariés. Un dispositif calibré pour les auto-entreprises. Son point noir : les multiples évolutions en fonction de l’actualité, qu’il a fallu décrypter chaque mois... Les équipes du Portail Auto-Entrepreneur ont d’ailleurs perdu quelques cheveux au passage !
In fine, ce dispositif a été plutôt efficace. Fin août, ce sont 35 milliards d’euros qui ont été redistribués à l’ensemble des entreprises françaises dont près de 10 milliards à près de 10 millions d’entrepreneurs individuels or les micro-entrepreneurs représentent 65% de ces entrepreneurs.
Bon à savoir
Les auto-entrepreneurs représentent aujourd’hui environ la moitié des entreprises individuelles en activité. En 2019, 47,6 % des entreprises individuelles actives étaient des micro-entreprises. En juillet 2021, 65 % des nouvelles créations d’entreprises individuelles se sont faites sous le régime simplifié de la micro-entreprise. Un succès dont la crise n’a pas eu raison.
Les critiques ont été nombreuses quant à la complexité des demandes d’aides, la mise en place retardée des formulaires et des délais de traitement parfois longs (notamment en cas de contrôle). Néanmoins, nombre d’auto-entrepreneurs ont aussi salué la mise en place d’un dispositif leur ayant permis de supporter la crise.
Les analyses de la Banque de France vont dans ce sens : l’institution relève un niveau de défaillances d’entreprises historiquement bas. Les défaillances de micro-entreprises ont diminué de 27,4 % en juillet 2021 par rapport à juillet 2020 et de 48,2 % par rapport à juillet 2019. Et ce, même dans les secteurs les plus touchés par les mesures de restriction comme l’hôtellerie, la restauration, la culture ou encore le commerce.
La fin du « quoi qu’il en coûte »
Quelles conséquences pour les auto-entrepreneurs ?
Ces bonnes nouvelles économiques s’accompagnent cependant d’une réflexion sur la fin des aides publiques. C’est la grande nouvelle de cet été : avec le ralentissement de la pandémie, le fonds de solidarité s’arrête. Initialement prévue en août, sa fin se fera finalement un mois plus tard. Autrement dit, il sera possible d’en bénéficier jusque fin septembre. Si vous y êtes encore éligible... Seules 50 000 demandes ont été déposées en juillet contre 500 000 en mai. En effet, depuis le mois de juin, seules les activités liées aux secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de l’évènementiel, de la culture et du sport (autrement appelés secteurs S1 et S1 bis) peuvent continuer de bénéficier du fonds de solidarité en métropole.
Au-delà de l’arrêt du fonds de solidarité, la fin du « quoi qu’il en coûte » signe aussi la fin des diminutions de charges sociales accordées aux auto-entrepreneurs. Par ailleurs, ceux qui ont fait le choix de reporter ou de payer seulement partiellement leurs cotisations sociales durant la crise du Covid ont commencé à recevoir des échéanciers de paiement pour régulariser leurs cotisations.
Pour aller plus loin : notre article sur la réduction des cotisations pour les auto-entrepreneurs
Une décision fondée sur l’évolution globale de la situation économique
De façon plus générale, la généralisation de la vaccination (81,2 % de la population de plus de 12 ans était vaccinée au 15 septembre 2021) a permis à l’économie de reprendre dans son ensemble. D’après le ministre de l’Économie et des finances, les perspectives de croissance sont estimées à 6 % d’ici début 2022.
En parallèle, la mise en place du pass sanitaire n’aurait, toujours selon les données de Bercy, pas eu d’effets négatifs sur les activités exercées sur le territoire. La semaine du 9 août pendant laquelle le pass sanitaire a été instauré, « les dépenses en carte bleue ont augmenté de 5 % dans les bars et les restaurants, et de 8 % la semaine qui a suivi » par rapport à 2019, a justifié M. Le Maire. Des exceptions existent néanmoins : les centres commerciaux ont observé une réelle baisse de fréquentation et les activités qui ont trait au tourisme notamment international restent significativement touchées tout comme les cinémas ou certaines activités culturelles comme les concerts.
Et après, comment rebondir quand on est auto-entrepreneur ?
Plusieurs mesures sont mises en place afin que la fin du « quoi qu’il en coûte » soit la plus progressive possible. L'ambition ? Éviter un nombre de défaillances trop important au regard des dettes contractées par certains durant la crise sanitaire. Alors qui aura droit à quoi ?
La prolongation du fonds de solidarité pour certains secteurs et les territoires d’outre-mer
Le fonds de solidarité est finalement prolongé jusqu’en septembre aux mêmes conditions qu’au mois d’août. Autrement dit, en métropole, il faudra avoir perdu au moins 10 % de chiffre d’affaires et faire partie des listes S1 ou S1 bis pour en bénéficier. La perte de chiffre d’affaires sera toujours compensée dans la limite de 20 %. Dans les départements d’outre-mer, le fonds restera ouvert à tous les auto-entrepreneurs domiciliés dans un territoire confiné ou sous couvre-feu, et les montants varieront selon l’activité et la perte de chiffre d’affaires constatée.
Nouveauté cependant : en plus d’avoir perdu un pourcentage de chiffre d’affaires, il faudra (en métropole) justifier avoir réalisé 15 % de chiffre d’affaires minimum (on suppose qu’il s’agit du chiffre d’affaires de référence) pour pouvoir en bénéficier. Pourquoi ? Bercy explique vouloir éviter les effets d’aubaine des entreprises qui considéreraient plus avantageux de rester fermées et de bénéficier des aides.
En Outre-mer, l’état d’urgence est décrété jusqu’au 15 novembre 2021 au moins et de nombreux territoires confinés ou sous couvre-feu. On peut supposer que le fonds de solidarité y restera accessible au moins jusqu’à cette date. Le décret relatif au fonds de solidarité laisse à ce jour ouverte la possibilité d'une prolongation jusqu’au 15 décembre 2021....
Pour en savoir plus : notre article sur la fin du fonds de solidarité.
L’aide « coûts fixes » devient en théorie accessible aux auto-entrepreneurs des secteurs S1 et S1 Bis
En métropole, le fonds de solidarité, qui s’est arrêté pour une majorité d’auto-entrepreneurs en juin, s’arrêtera pour tous fin septembre. Pour prendre le relai, l’aide « coûts fixes » sera élargie. À partir du 1er octobre 2021, elle devient accessible à toutes les entreprises des secteurs S1 et S1 Bis sans condition de chiffre d’affaires (contre 1 million d’euros de chiffre d’affaires auparavant).
Mise en place en mars dernier, cette aide va permettre aux auto-entrepreneurs éligibles de demander la couverture de 90 % de leurs coûts fixes non couverts par leurs recettes. Le calcul est le suivant :
Somme des coûts fixes de l’entreprise (ex. approvisionnement en matières premières, salaires, charges sociales) – revenu entreprise et subventions |
Cette aide permet d’assurer la transition avec le fonds de solidarité mais son mécanisme d’attribution sera plus compliqué que pour le fonds de solidarité. En effet, de nombreux critères doivent être remplis pour en bénéficier comme :
-
avoir au moins deux ans d’activité (au mois pour lequel on demande l’aide) ;
-
avoir perdu au moins 50 % de chiffre d’affaires sur la période éligible par rapport au chiffre d’affaires de référence.
Si cette aide s’ouvre en principe aux auto-entrepreneurs, dans les faits il est fort peu probable qu’ils puissent y recourir en raison de sa difficulté d’accès.
En effet, l’indemnisation n'est possible qu'avec un document établi par un expert-comptable qui atteste du montant des pertes réelles. Il faut donc officiellement attester d’un excédent brut d’exploitation négatif (EBE) en ayant recours aux services d’un expert-comptable, deux éléments souvent extérieurs au quotidien des auto-entrepreneurs français. Le contrôle sera ensuite réalisé au cas par cas par les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et l’examen d’une demande prend 3 heures en moyenne (d’après Bercy). Les versements pourront donc prendre plusieurs semaines et seront plus contrôlés que le fonds de solidarité.
Des plans d’actions spécifiques vont être mis en place pour les secteurs encore en difficulté
Des plans d’action supplémentaires pour les secteurs encore en difficulté devraient voir le jour. Ils concerneraient a minima l’événementiel, le tourisme d’affaires, les voyagistes, l’hôtellerie et la restauration des territoires comme l’Île-de-France, fortement touchés par l’absence de touristes étrangers, ainsi que la montagne et la culture.
Le paiement des charges sociales auprès de l’Urssaf peut être négocié
Pour tous les auto-entrepreneurs qui n’appartiennent pas aux secteurs précédents et qui n’ont pas réglé la totalité de leurs cotisations sociales durant les derniers mois, des possibilités d’aménagement de paiement existent. En effet, les Urssaf ont commencé à envoyer des échéanciers proposant un calendrier pour régulariser le paiement des cotisations impayées durant la crise. Vous pouvez discuter de cet échéancier avec l’Urssaf en les contactant via la messagerie. Les délais peuvent en principe être étalés sur 36 mois.
Pour tout comprendre sur les échéanciers : notre article complet sur le plan d’apurement des cotisations sociales URSSAF
Seul l’avenir dira si l’arrêt du « quoi qu'il en coûte » tel qu’il est prévu aujourd’hui aura une influence sur la santé des micro-entreprises françaises. Nous en saurons plus dans les semaines qui suivent !